LES POINTS MARQUANTS
- Selon la dernière édition du rapport de suivi de la situation économique de la République du Congo, la reprise devrait être plus soutenue en 2023 et à moyen terme, sous l’impulsion des secteurs pétrolier et non pétrolier, mais il existe d’importants risques de dégradation.
- Les subventions aux carburants ont fortement augmenté et pèsent lourdement sur le budget du pays. En outre, elles bénéficient aux couches les plus riches de la population et détournent ces ressources d’autres usages.
- Le rapport préconise de bonnes pratiques pour la mise en œuvre d’une réforme des subventions aux carburants, ainsi que des mesures d’accompagnement pour en atténuer l’impact sur les groupes et les secteurs affectés.
BRAZAVILLE, République du Congo, 29 Juin 2023 -/African Media Agency(AMA)/- La Banque mondiale a publié aujourd’hui la dixième édition du Rapport de suivi de la situation économique et financière de la République du Congo, intitulée « Réformer les subventions aux carburants fossiles ».Voici les principaux points qu’il faut en retenir :
1. Une reprise économique généralisée, mais des risques subsistent
Après un taux de croissance de 1,5 % en 2022, l’économie congolaise devrait poursuivre sa sortie progressive d’une période de récession prolongée et le PIB du pays ainsi progresser de 3,5 % en 2023, puis de 3,6 % en moyenne en 2024-2025. La croissance du secteur pétrolier sera principalement tirée par la reprise des investissements des compagnies pétrolières. Celle du secteur non pétrolier sera stimulée par l’agriculture et les services, par la mise en œuvre de réformes structurelles du côté de l’offre et la poursuite de l’apurement des retards de paiement du gouvernement, ainsi que, du côté de la demande, par l’augmentation progressive des dépenses sociales et des investissements publics. Toutefois, plusieurs risques pèsent sur les perspectives, notamment la volatilité des cours du pétrole et l’instabilité de sa production, l’escalade de la guerre en Ukraine et ses retombées, ainsi qu’un nouveau resserrement des conditions financières mondiales ou régionales.
Principaux indicateurs de l’économie congolaise
2. Une situation budgétaire contrastée
Bien que la production de pétrole ait diminué en 2022, des cours élevés ont entraîné une augmentation significative des recettes publiques qui, associée à hausse plus modérée des dépenses, a permis de dégager un excédent budgétaire de 6,8 % du PIB. Néanmoins, le solde primaire non pétrolier s’est détérioré en raison surtout des subventions à l’énergie qui ont progressé de 1,3 % du PIB en 2021 à 3,4 % en 2022.
L’excédent budgétaire global s’est amélioré, mais le déficit primaire non pétrolier s’est creusé
3. La forte inflation accroît l’insécurité alimentaire
Du fait des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et des prix élevés des denrées alimentaires au niveau international, le Congo connaît une inflation qui touche en particulier l’alimentation. Les prix de ces produits ont augmenté de 6,2 % en 2022 (en glissement annuel), portant l’inflation globale à 3 %. Cette hausse des prix aggrave la précarité alimentaire dans un pays où 56 % de la population est déjà en situation d’insécurité alimentaire sévère et où le niveau de pauvreté est élevé. Le taux de pauvreté (sur la base du seuil de pauvreté international de 2,15 dollars par jour) atteindra 52,5 % en 2022, alors qu’il s’élevait à 33 % en 2014.
Les prix de l’alimentation augmentent et exacerbent les problèmes socioéconomiques
4. Les subventions aux combustibles fossiles représentent une charge budgétaire importante
Les subventions sur le pétrole ont fortement augmenté en 2022. Selon les estimations, elles atteignent 2,4 % du PIB — soit environ quatre fois ce qui était prévu dans la loi de finances initiale de l’année — contre une moyenne de 0,6 % du PIB en 2020-21. En raison de la forte hausse des cours internationaux de l’or noir l’année dernière, les prix intérieurs réglementés ont fortement dissuadé le secteur privé d’importer des carburants. Cette situation, combinée à la capacité limitée du secteur de la raffinerie, a entraîné des pénuries de carburant dans tout le pays. En réaction, les autorités ont décidé de couvrir les pertes subies par les importateurs de pétrole raffiné.
L’utilisation de fonds publics pour geler les prix de détail des carburants détourne les ressources d’autres sources d’énergie. D’après les dernières données disponibles, les dépenses publiques consacrées aux subventions pétrolières en pourcentage du PIB sont plus élevées que les dépenses de protection sociale et elles sont proches du total des fonds publics alloués à la santé. En outre, le Congo ne dispose pas d’une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour améliorer et entretenir ses infrastructures, telles que les routes ou une alimentation électrique fiable : seulement 13 % du réseau routier est goudronné, contre 18 % en Afrique subsaharienne. Les subventions aux carburants introduisent également des distorsions environnementales et de marché, empêchant l’utilisation efficace de l’énergie et le déploiement de sources d’énergie renouvelables ou l’adoption de solutions de développement sobres en carbone.
Les dépenses publiques consacrées aux subventions pétrolières ont fortement augmenté
5. Les subventions aux carburants profitent surtout aux plus aisés
Alors que les subventions aux carburants visent à soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs et plus particulièrement celui des plus vulnérables, elles profitent en réalité aux segments les plus riches de la population, notamment les citadins. Le décile le plus riche de la population consomme, respectivement, 77 et 73 % du diesel et de l’essence, alors que les plus pauvres en consomment moins de 1 %. En revanche, le pétrole lampant se répartit de manière beaucoup plus homogène entre les groupes de revenus, bien que les plus riches bénéficient encore davantage des subventions sur ce carburant par rapport aux déciles les plus pauvres.
Les subventions aux carburants avantagent principalement les ménages riches dirigés par un homme et vivant en zone urbaine
6. Une approche favorable aux pauvres pour réformer les subventions aux carburants
L’expérience internationale montre qu’il est difficile de supprimer les subventions aux carburants. Dans nombre de pays où les filets de protection sociale sont limités, une subvention généralisée est considérée comme faisant partie du contrat social. Et cela peut être particulièrement vrai dans les pays producteurs de pétrole où ce type de subventions est parfois perçu comme un moyen pour l’ensemble de la population de bénéficier directement de la richesse pétrolière du pays. Toutefois, plusieurs principes généraux peuvent être tirés de l’expérience des pays qui ont procédé à des ajustements des prix des carburants :
- supprimer en priorité (ou réduire substantiellement) la subvention qui pèse le plus lourdement sur le budget et qui est surtout captée par les plus riches ;
- adopter un mécanisme de lissage des prix qui permet un équilibre entre la volatilité excessive des prix et les risques budgétaires ;
- séquencer la réforme pour permettre aux ménages de s’adapter et aux mesures d’atténuation d’être déployées de manière contrôlée ;
- mener des consultations auprès des parties prenantes et des campagnes de communication pour répondre aux préoccupations des différents groupes de population.
La suppression des subventions aux carburants (à l’exception du kérosène) entraînerait une augmentation ponctuelle et limitée du niveau des prix. Une telle augmentation risquerait cependant d’avoir un impact sur le pouvoir d’achat de la population, car la hausse des prix des carburants entrainerait une augmentation des prix des transports et d’autres produits et services. Le rapport recommande donc la mise en place d’un ensemble de mesures d’atténuation pour protéger les plus vulnérables. Cet objectif peut être atteint en renforçant les filets sociaux, en augmentant les dépenses sociales et en améliorant la transparence de la gestion des finances publiques, ainsi qu’en soutenant les secteurs touchés tels que les transports.
Distribué par African Media Agency (AMA) pour Banque mondiale.
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